Moduler les effets d’une nullité a tout l’air d’une gageure. C’est cependant l’exercice auquel le juge du travail est invité à se livrer depuis les ordonnances dites « Macron » du 22 septembre 2017 en matière de conventions et d’accords collectifs. Le 13 janvier dernier, la Chambre sociale de la Cour de cassation a livré son premier arrêt fondé sur le texte de 2017 (Cass. soc. 13 janv. 2021, n° 19-13.977).
La nullité d’un acte juridique relève du tsunami ; annihilant l’acte lui-même, cette véritable arme de destruction massive ne laisse rien d’autre derrière elle qu’un immense vide, comme si rien n’avait jamais existé, au point qu’elle est réputée emporter le rétablissement des parties à l’acte en leur état initial.
La fictivité d’un tel raisonnement saute aux yeux : en effet, lorsque l’acte dorénavant annulé était en vigueur, il a produit des effets, octroyé des droits, déclenché des obligations etc... Or, ceux-ci ne peuvent être effacés du seul trait de plume prétorien et supposent un détricotage parfois impossible, souvent laborieux, dans tous les cas source de difficultés.
Afin d’atténuer ces dernières, le juge dispose depuis l’ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017 d’un outil précieux inséré dans le code du travail sous l’article L. 2262-15 qui dispose que :
« En cas d'annulation par le juge de tout ou partie d'un accord ou d'une convention collective, celui-ci peut décider, s'il lui apparaît que l'effet rétroactif de cette annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu'il était en vigueur que de l'intérêt général pouvant s'attacher à un maintien temporaire de ses effets, que l'annulation ne produira ses effets que pour l'avenir ou de moduler les effets de sa décision dans le temps, sous réserve des actions contentieuses déjà engagées à la date de sa décision sur le même fondement. »
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