Le mois dernier, une société spécialisée en cybersécurité a publié un rapport dévoilant un réseau de partage sur le réseau social Télégram de photographies de femmes dénudées par un logiciel automatisé.
Environ 100.000 femmes se sont vues déshabillées virtuellement sur photographie par des techniques de deepfake. Ces photographies ont pour la plupart été utilisées par leurs auteurs anonymes à des fins de chantage à l’encontre des personnes concernées.
Heureusement, ces nouveaux outils techniques n’empêchent pas le recours à des mécanismes juridiques pour faire cesser la diffusion a posteriori de ces contenus.
La technologie du deepfake
Un deepfake est une technique d’intelligence artificielle permettant à l’aide de synthèse d’images de superposer des fichiers entre eux (audio, vidéo, images etc.). Le concept est populaire sur les réseaux sociaux, qui proposent pour la plupart des filtres de reconnaissance faciale permettant de mixer le visage ou la voix de deux personnes par exemple. Le deepfake est souvent utilisé pour des trucages, canular ou à des fins humoristiques par des imitateurs notamment qui prennent l’aspect physique de la personne dont la voix est imitée.
Il est apparu que cette technique est également souvent utilisée à des fins pornographiques, représentant des personnes à leur insu. Des sextapes (vidéos érotiques) ou revenge porn (pornodivulgation) ont mis en scène le visage de personnes associées à des corps qui n’était pas les leur, laissant alors penser qu’elles étaient actrices de ces vidéos. La plupart du temps, ces vidéos sont publiées sur internet sans le consentement de la personne ou envoyées à la personne concernée directement pour effectuer un chantage.
Si le montage et la retouche d’images ne sont pas nouveaux, le réalisme permis par l’intelligence artificielle devient problématique. En effet, il est difficilement possible d’identifier si une image de nus est un faux et donc d’identifier si elle porte préjudice à la personne concernée.
Législation applicable
La technique de photomontages a toujours existé ainsi que le préjudice lié. Quelle que soit la technique utilisée pour y arriver et effectuer une publication, les outils juridiques sont les mêmes.
D’une part, le Code pénal prévoit une peine d’un an d’emprisonnement et de 15.000 euros d’amende le fait de publier, par quelque voie que ce soit, le montage réalisé avec les paroles ou l’image d’une personne sans son consentement, s’il n’apparaît pas à l’évidence qu’il s’agit d’un montage ou s’il n’en est pas expressément fait mention(1).
En outre, la loi de 1881 sur la liberté de la presse prévoit également une infraction de diffamation, susceptible d’engager la responsabilité pénale de son auteur, sur la base de laquelle une action civile est souvent engagée. La diffamation étant définie comme « toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation », une action sur ce fondement en cas de publications de photomontages pornographiques serait légitime en tant qu’atteinte au corps.
Néanmoins, les condamnations à ce titre se font rares. Pourtant elles existent, et les tribunaux ont considéré que les photomontages peuvent bien constituer une atteinte à la réputation et à l’image sur le fondement de la loi de la presse de 1881 (2).
Sur les réseaux sociaux, la publication d’images controversées et de photomontages est la plupart du temps publique. Il n’en demeure pas moins qu’en cas de publication privée de telles photographies, la diffamation pourrait être caractérisée, cette fois en tant que contravention et non en tant que délit.
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